La ronde de laine qui s’est déroulée à M sur m sous le dernier soleil d’automne avant les brumes et les pluies de novembre, fut une très belle aventure et fut aussi, chemin Text Styles faisant, l’occasion de magnifiques navettes…
Aller chercher la ligne de laine confectionnée par le café tricot de la médiathèque de Fontaine les Vervins (ainsi que celle tricotée au musée de la Thiérache ) fut un aller et retour riche en rencontres et en correspondances.
Partie de M sur m, ville d’eaux et de moulins oubliés, j’avais rendez vous dans une Médiathèque-Moulin, un lieu pétri d’histoires, et où il fait aujourd’hui bon vivre parmi les livres.
Photographie ©Ib
Médiathèque Henry Duflot Photographie ©Ib
Odile Jansen Courbois, la directrice de la médiathèque, avait préparé pour moi un petit itinéraire de promenade. Je voulais voir les lavoirs….
Longtemps que des articles, commencés pour le blog sur le sujet, restent en suspend, à l’état de brouillon, sans jamais être terminés, le sujet est si riche… et sans doute fallait-il que je me déplace en voir vraiment.
Cette attirance pour les lavoirs est liée à toutes sortes d’ingrédients composés d’eau et de linge : un goût et une curiosité pour les lieux d’eau et toute architecture conçue autour de cet élément : fontaines, bassins, lavoirs … les souvenirs des « buées » dans la lessiveuse de ma grand mère, le premier chapitre de l’Assommoir , lu il y a longtemps très longtemps.. Mais aussi sans aucun doute une attirance d’historienne façonnée par une rencontre particulièrement riche et très importante pour moi. Lorsque j’ai décidé de partir sur les chemins cousus de texte et de tissu en créant Text’Styles, j’ai eu la chance de rencontrer Marie France Dubromel, la Mercière ambulante, qui brode au point de marquage de blanchisserie, et qui m’a tout de suite transmis l’importance de l’ouvrage d’Yvonne Verdier « Façon de dire, façon de faire ».
©Marie France Duromel, dans : Yvonne Verdier / marquage de blanchisserie / Mercerie Ambualnte
Ces ingrédients épars ne seraient pas complets si l’on ne parsemait pas le tout d’un peu de bleu, le bleu de l’azurage, le bleu contre la souillure..

C’est d’ailleurs cette quête du bleu pour nettoyer le linge qui m’a fait découvrir ce travail très beau réalisé par Textile Résonance : Femmes au lavoir
https://fr.calameo.com/read/0026884621ca292bfceda
©Textile Résonance
©Textile Résonance
« Réunies au bord de l’eau pour des savonnages souvent quotidiens, les laveuses accomplissaient ce « cycle de la pureté » dans le vacarme des conversations, le bruit des battoirs et le choc du linge mouillés sur les margelles de pierre.
Le corps plié au niveau de l’eau les laveuses occasionnelles et professionnelles voyaient passer entre leur mains nouées de rhumatisme, ce qu’il y a de plus intime : le linge. Car tout linge est témoignage »
Femmes au lavoir
Se mêle à tout cela aussi les trames de l’histoire de M sur m, où se trouvait l’abbaye Sainte Austreberthe, disparue aujourd’hui (sauf une chapelle dont je reparlerai) Née à Marconne non loin d’ici, Sainte Austreberthe qui a donné son nom au village voisin, était la patronne des lavandières. Autrefois, à M sur m, se déroulait une fête dite du loup ver(t), commémorant l’épisode légendaire , où elle contraignit un loup à porter le linge lavé à la place de l’âne qu’il avait dévoré sans scrupule.
Carte d’Etat Major / Geoportail
Et si j’ajoute qu’au premier café Text’Styles, Florence Saint-Roch, poète grande pourvoyeuse d’étincelles, lut un très beau texte évoquant la lessive séchant dans le vent….Vous aurez ainsi une idée des raisons qui m’ont fait demander à Odile Jansen Courbois s’il y avait des lavoirs à Fontaine les Vervins et où ils se trouvaient…
Un délire joyeux
Brasse le linge
Comme ces marins
Pris de calenture
On s’en remet au vent
En hâte
On rapièce les voiles
Si contents de ce fil d’or
Dans la trame de nos jours
L’occasion enfin
De mettre nos désirs
À flot…
Extrait de sa lecture de Sursaut, Hauts cris, éd l’Anthologie Tarabuste 2012
Promenade des lavoirs Fontaine les Vervins , novembre 2018, photographies ©Ib :
« En ce jardin la voix des eaux ne tarit pas,
est-ce une blanchisseuse ou les nymphes d’en bas,
ma voix n’arrive pas à se mêler à celles
qui me frôlent, me fuient et passent infidèles,
il ne me reste que ces roses s’effeuillant
dans l’herbe où toute voix se tait avec le temps. »
Philippe Jaccottet, Ninfa
Invitation au tissage….
Au cours de cette promenade, au cœur de la beauté de ces lieux enfouis dans les herbes folles est né le désir d’une forme d’Odyssée/Eaudyssée: suivre le fil de l’eau tissée des lavoirs…
Voici l’invitation que je vous fais, si le cœur vous en dit :
J’aimerais avec celles et ceux qui souhaitent m’accompagner, partir en quête des lavoirs et des lavandières
Explorer des lieux, retrouver des paysages oubliés, disparus ou parfois, telle la lettre volée, toujours présents sous nos yeux, interroger les mémoires, les légendes, les histoires, les gestes anciens, plonger les mains dans l’eau et le linge.
Faire ressurgir les textes, vous inviter à re tisser l’eau disparue, à retricoter l’histoire et les conversations, inventer, créer avec des fils et des mots, de la laine et des poèmes, des tissus brodés pour retrouver la mémoire des lavoirs et des lavandières.
Il s’agit, au fil de l’eau des lavoirs, d’établir des correspondances, entre des lieux et entre des personnes, de s’enrichir les uns les autres, au fil d’une eau tissée…
Cette page est donc dédiée à la narration d’une eau-dyssée, d’une eau tissée dont le point de départ se situe à Montreuil sur mer et dont on ne connait pas encore les destinations.
Au fil de l’enquête vous pourrez suivre des déplacements, des navettes, des liens qui se tissent, des rencontres, et, qui sait, au passage le déclenchement de moments poétiques. d’inventions entre textes et tissus.
CHANT ET RHAPSODES
Je chante donc je couds ou je couds donc je chante
Cette eau-dyssée sera comme l’Odyssée d’Homère composée de récits appelés chants, et les participants en seront les rhapsodes d’aujourd’hui.
“Les rhapsodes étaient habillés de rouge quand ils chantaient l’Iliade, de bleu quand ils chantaient l’Odyssée (..) Lorsque deux antagonistes avaient fini leur partie, les deux pièces ou papier sur lesquelles elles étaient écrites, étaient joints et réunis ensemble, d’où est venu le nom de rhapsode, formé du grec signifiant “je couds” et “chant”
L’encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1751
Isabelle Baudelet pour Text’Styles, Montreuil sur mer le 12 janvier 2019
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