M sur m, le 16 mars 2018
Café Text’Styles #1 : se donner rendez-vous pour échanger des lectures et des histoires de tissus. Tisser ainsi des liens.
Entre fixité et mouvement : créer des navettes vers M sur m ou depuis M sur m, poursuivre la cartogra-fils
Lieu : Montreuil sur mer, Bar des Hauts de Montreuil
Cartogra-fils: Montreuil et alentours, Saint Omer, Roubaix, Boulogne
POINT DE DEPART :
Un extrait de poème envoyé par l’écrivain Sylvie Durbec que j’associe en pensées à ce premier café Text’Styles, en souvenir de notre belle promenade de février qui m’a fait rencontrer Florence Saint Roch, poète et créatrice d’étincelles.
« Il y a eu
les âpres adieux
qui m’ont aidé
à ourdir et tisser
le tissu
qui seul est mien
sans égal »
Duri Gaudenz, traduit par Denise Mützenberg
Dans les champs de M sur m, Sur le chemin vers La Madelaine
Ce mot « text’styles » m’est revenu quand Florence Saint-Roch me proposa une lecture à « deux voix tissées » avec Christian Degoutte qui allait venir à Saint Omer pour le printemps des poètes. Je me rappelai ces rhapsodes, ceux qui chantaient Homère, ils étaient habillés de bleu pour déclamer L’Illiade, et de rouge pour L’Odyssée.
Valise poétique de Florence Saint-Roch, flots/Flo de Saint-Omer à M sur m.
Des « morceaux détachés » nous dit la définition de rhapsode .. oui… c’est ce que nous allions tous apporter, des morceaux détachés, et tâcher de coudre cela ensemble, telle une rhapsodie,une « couture de chants ».
Florence Saint-Roch–Christian Degoutte
Florence Saint-Roch ouvrit le chant / le champs :
…On est vraiment
Dans de beaux draps
Impossible de rester
Plus longtemps
Entre les murs
De ce jardin
Devant tant d’urgence
Le seringat on le sent bien
S’efforce de nous retenir
Ses promesses odorantes
Diffusées au plus loin
Sucre contre sel
Entêtement contre fièvre
Un délire joyeux
Brasse le linge
Comme ces marins
Pris de calenture
On s’en remet au vent
En hâte
On rapièce les voiles
Si contents de ce fil d’or
Dans la trame de nos jours
L’occasion enfin
De mettre nos désirs
À flot…
Extrait de sa lecture de Sursaut, Hauts cris, éd l’Anthologie Tarabuste 2012
Christian Degoutte évoqua sa mère qui travaillait à façon, les ballots de tissus qu’elle montait à la maison, les chutes de son enfance, celles avec lesquelles il jouait et confectionnait des circuits…
Puis il ouvrit un autre jardin :
– Pieds nus à travers le jardin défait par l’orage
tu vas sous les branches qui gouttent.
Chaque pas qui trousse l’herbe lève des bouffées d’odeurs.
Un pas : c’est l’âcre lilas des cassis près du grillage
un pas : c’est des dessous de terre tu perds ta chemise ensuée
un pas : c’est des caillots de groseilles c’est un à peine
de pubis juste comme tu trésailles
un pas : tu es nue sous le rouge éparpillé
des pivoines tes reins frissonnent
de parfum froid et de plumes mouillées
tu respires entre des tissus de lait
comme si d’un coup l’amour avait changé
toute l’eau de ton corps.
Des oranges sentimentales, éd. Gros Textes, 2013.
BOITE A BOUTONS :
Sur la pointe des pieds, nous quittâmes ce jardin pour entrer dans… une boîte… une boîte à boutons, une boîte à souvenirs, ceux de Sylvie Masson.
C’est une B à B... « comme dirait Isabelle » nous dit Sylvie, en me taquinant et ne manquant pas de me faire rire, une boite à sons, à trophées, à compter, à tissus disparus : le souvenir du caban de Saint Malo, la robe de chambre de Mamie en nylon, matières précieuses, mémoire des lieux…C’est fou ce que peut représenter un bouton..
Des rires et des émotions partagés..
En parlant de B à B, je me suis souvenu de ce poème en patois que m’avait fait découvrir ma mère dont les initiales sont B. B. Un poème de Charles B comme Bruchet, mineur à la fosse 3 Parsy de Noeux les mines, publié en 1977.
Et ch’est ainsi qu’au fil des ans,
S’intassent dins l’boîte à boutons,
Les souvenirs de tous les instants,
Qu’in ar’tripote à l’occasion.
Et ch’est aussi eun’ bonn’e manière,
D’écrir’e l’histoire de s’péquée,
D’ar’vivr’e des momints gais ou amers,
Que les boutons peuv’ent raconter.
Quand l’boîte su l’tabl’e alle est vidée,
Que d’souv’nirs in si peu d’plach’e,
Chés chi, ch’est de m’n’oncl’e Amédée,
Chés là, ch’est d’min parrain Eustache !
Pou m’ femme,ch’est toudis ses éfants
Qui parl’tent à travers chés boutons ;
Des bleus, des ros’es,des pt’its, des grands,
Des rhabillur’es ed’nos deux garchons.
TISSUS DE MODE, TISSUS D’HISTOIRE :
Puis doucement, de vers tissés en boite à boutons…voici qu’arriva le tissu de mode.
Colette Martel, qui venait d’apprendre qu’il y avait un café Text styles à M sur m, et qui eut juste le temps d’attraper un livre et quelques tissus pour nous rejoindre, partagea avec nous sa passion pour le tissu liberty créé par Arthur Lasenby Liberty à la fin du XIXème siècle à Londres, un tissu qu’elle aime coudre pour en faire des pochettes tout en se plongeant dans son histoire…
pochette ©Colette Martel
En remontant le fil du temps, et retraversant la Manche, nous fumes transportés à Versailles grâce à Princesse Wanda grande passionnée de la mode du XVIIIème siècle, particulièrement par le pli Watteau, les robes à panier et les vêtements de Marie Antoinette qui l’inspirent dans ses créations de meubles et ses beaux projets à venir… A suivre !!!!
https://fr.ulule.com/princesse-wanda/
La mode à la cour de Marie Antoinette, Juliette Trey, éd Gallimard, Le Château de Versailles
CORDES :
Très belle lecture sensible de Marie Devynck qui nous fit découvrir l’ouvrage de James Sacré, Tissus mis par terre et dans le vent, éd Le castor astral
Michèle Olyve nous avait apporté un cahier spécialement confectionné pour l’occasion, avec ses textes, du tissu, une aquarelle, un texte de Christian Bobin.
Cahier, texte et aquarelle ©Michèle Olyve
Puis nous déroulâmes un autre fil, une autre corde à linge, une corde sensible.
Georges Guillain évoqua un court poème d’Ali Thareb tiré de son recueil Un homme avec une mouche dans la bouche
Seul pendu sur la corde à linge
seul sous le ciel
des épingles en bois
oiseaux sans ailes
dressées sur la corde
regardent ses bras qui pendent
et aimeraient les redresser
elles ne comprennent pas que ton habit
est mort depuis longtemps
MAITRE A TISSER
De fil en ciseaux, Lizzie Girard évoqua sa découverte des croisements texte et tissu au travers des oeuvres d’Annette Messager
Photo IB, La Maison Rouge, Paris 19 décembre 2017
RHAPSODIE
So Mister Paganini, please play my rhapsody…
Puis en guise de clôture : une dernière lecture à deux voix tissées
Je surgis de la gueule ouverte d’un tunnel d’aulnes noirs, parmi le ballet des hirondelles, dans du paysage cousu de bleu. La nuit se prépare. Dans la lumière plus rose, j’abandonne le goudron aux petits pas des bergeronnettes. Parisiennes en tailleur noir et blanc, pincées des fesses. Plus loin encore, à main gauche, la chapelle de St Sulpice : son clocher de bois gris a la douceur des pigeonniers : on se laisserait aller à honorer Dieu si les clochers, les minarets n’étaient érigés que pour servir de refuge aux oiseaux. Depuis la cabine grande ouverte d’un tracteur solitaire en plein champ, la radio informe les arbres, les oiseaux, le ciel de l’état dans lequel les hommes mettent le monde.
Christian Degoutte, Voyage avec un vélo à travers le Forez pour aller chez Laura, éd La main qui écrit, mars 2018
Embarque, ed Les Venterniers, 2017
Marais, cordes, filet, froc..fin de la boucle pour aujourd’hui….
Mille mercis aux premiers participants, ceux qui ont apporté un livre, un morceau de tissu, un objet textile ou tout simplement sont venus se joindre à nous.
Merci Spécial à Florence Saint Roch et Christian Degoutte
Merci aux Hauts de Montreuil de nous avoir si chaleureusement accueillis
Je n’ai pu évidemment retranscrire ici toute la richesse des échanges…Prochain rendez-vous à M sur m le 20 avril à Montreuil sur mer, à suivre sur le blog ou la page Text’Styles
messages à textstyles@orange.fr
Il suffit de pousser la porte…
Isabelle Baudelet pour Text styles, M sur m , le 29 mars 2018