« Epinglant de ci de là un feuillet supplémentaire je bâtirai mon livre, je n’ose dire ambitieusement comme une cathédrale, mais tout simplement comme une robe », écrit Marcel Proust dans Le temps retrouvé, le 7ème volume d’A la recherche du temps perdu publié en 1927.

Il y a dans cette phrase, l’image et l’intuition géniale des multiples dimensions du livre, tant dans son processus d’écriture que dans son devenir. De l’élément le plus modeste et minutieux, tel le simple feuillet épinglé, aux proportions immenses de la cathédrale suggérée, puis ramenée plus simplement à une robe, Proust laisse entrevoir un travail de bâtisseur, un travail sur de multiples pièces qui inscrit le livre au delà de l’écriture, encre sur papier.

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Ce passage de la Recherche a inspiré d’autres artistes, comme Carole Simmard Laflamme ou encore Ilann Vogt qui ont à leur façon bousculé les dimensions du livre tout en nous gardant la mémoire de son écriture :

A la recherche du temps perdu, tissée par Ilann Vogt

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©Illan Vogt 

 

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©Illan Vogt

 

Les robes du temps , inspirées de la « cathédrale proustienne » par Carole Simmard Laflamme

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Photo issue du blog « Du côté de chez Proust »   Oeuvre ©Carole Simmard-Laflamme

 

 


 

« Volumes et sculptures du plus petit au monumental » tel est le thème du salon Art Up Lille Grand Palais du 15 au 18 février 2018.

L’association Colophon et Filigrane , présidée par Christine Vandrisse y est présente cette année encore et souhaite offrir dans ce cadre, une réflexion sur le devenir du livre.

 Y a-t-il une limite au livre ?

 Matière, volume, taille, espace, Fond/Forme.

À l’ère numérique le livre se multiplie, se réinvente. 

En partant de ces deux pages du Temps retrouvé, c’est le mot « étoffe » qui m’est venue spontanément pour répondre à l’invitation de Christine Vandrisse qui me fait l’honneur d’animer cette table ronde en tant que créatrice du label Text’styles, et qui aura lieu :

 le 17 février à 16H30, Lille Grand Palais

Avec les artistes invités, les artistes résidents, les artistes permanents : Gerda Adelski, Caroline Bigot, Sandrine Farget-Seynhaeve, Christine Vandrisse, Anne-Marie Vin.

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Etoffe, mot « text styles », à la croisée du texte et du tissu, désigne à la fois la matière le contenu, la nature du livre et se fait synonyme de « dimension ».

Chez les typographes, les étoffes étaient ce que l’imprimeur faisait payer en plus des frais d’impression pour couvrir les dépenses de fonctionnement, les frais d’usure, notamment l’utilisation d’étoffe pour l’impression (Le blanchet).

Le papier fut inventé à partir de vieilles étoffes, de chiffons, et de fibres végétales. Le mot texte est issu du latin textus qui signifie tissu. Les reliures, les couvertures de livres peuvent être composées d’ étoffes. Et de nombreux artistes et plasticiens ont ressenti la nécessité, le désir de porter l’écriture sur le tissu.

Il y a dans cette manière de creuser l’étymologie, l’idée de revenir à la matière originelle, de la toucher, de se la représenter, de voir comment elle se déploie et comment à l’heure de toutes les dématérialisations possibles, le livre continue de prendre vie dans la richesses de toutes ses dimensions.

Au Plaisir de vous retrouver pour cet échange au salon Art Up.

 

« Par ses paperolles, Proust a construit plus qu’une oeuvre, il a tissé la vie,(..) Le tissage est toujours composé d’une verticale et d’une horizontale. C’est la même chose pour la vie. Les Chinois en ont parlé bien avant moi. L’horizontale, c’est le temps, et la verticale, c’est la trame des jours. C’est pour ça qu’on parle de la chaîne du temps et de la trame des jours. Quand on fait ça, on fait le tissu d’une vie. Et c’est exactement ce à quoi est arrivé Proust. C’est pour cela qu’il nous a tant marqués et qu’il continue à le faire aujourd’hui. »

Carole Simmars-Laflamme, pour le journal Le Devoir, quotidien du Québec, à l’occasion de l’exposition Les robes du temps dans l’église Saint-Jacques à Illiers-Combray en 2013

 

« Nous sommes tous un fragment de l’autre.»

Marcel Proust

 

 

Isabelle Baudelet pour Text styles le 7 février 2018

 

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Image à la une : les paperolles de Proust, A la recherche du temps perdu, source Gallica