« Un jour, Monsieur Madeleine voyait des gens du pays (à M sur M *) très occupés à
arracher des orties. ; il regarda ces tas de plantes déracinées et
déjà desséchées, et dit :

– C’est mort.

Cela serait pourtant bon si l’on savait s’en servir. Quand l’ortie est jeune, la feuille est un légume excellent ; quand elle vieillit, elle a des filaments et des fibres comme le chanvre et le lin. La toile d’ortie vaut la toile de chanvre. Hachée, l’ortie est bonne pour la volaille ; broyée, elle est bonne pour les bêtes à cornes. La graine d’ortie mêlée au fourrage, donne du luisant au poil des animaux ; la racine mêlée au sel produit une belle couleur jaune. C’est du reste un excellent foin qu’on peut faucher deux fois. Et que faut-il à l’ortie ? Peu de terre, nul soin, nulle culture. Seulement la graine tombe à mesure qu’elle mûrit, et est difficile à récolter.

Voilà tout. »

 

Victor Hugo, Les Misérables, 1862, Fantine.

* Dans la première édition des Misérables, la ville de Montreuil sur Mer figurait sous les simples initiales de M sur M, ce n’est qu’après la mort de Victor Hugo que le nom fut écrit en entier.

Aux pieds des remparts de M sur M aujourd’hui, poussent toujours de véritables champs d’orties…

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 » Une brise légère agite ses grandes tiges. Le reflet vert de ses feuilles ondoie dans la lumière qui illumine ses petites fleurs blanches, réunies en grappe. Au moindre contact, ses poils se brisent, pénètrent la peau et libèrent des substances urticantes. L’ortie a mauvaise réputation. Partout, cette plante vivace, considérée comme « la mauvaise herbe par excellence », est combattue, arrachée, supprimée. Sauf à la ferme expérimentale de l’ENSAIA (École Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries Alimentaires) à la Bouzule (Meurthe-et-Moselle). Depuis l’automne 2015, sur environ un hectare de bonne terre, 64.000 plants y sont cultivés et surveillés avec soin. La première récolte est attendue pour la fin de l’été, mais déjà un doublement des surfaces cultivées est programmé pour l’automne prochain. Il faut dire qu’ici, la grande ortie blanche nourrit les desseins les plus fous. « Elle pourrait relancer la filature en France » ose un protagoniste du dossier. Les fibres de sa tige ont en effet toutes les qualités pour concurrencer la soie. Elles sont longues, souples, soyeuses, éclatantes. Et surtout très résistantes. « Une fois et demie plus que le coton », souligne Laurence Jeanmichel, la directrice du Cetelor (Centre d’essai textile lorrain), basé à Épinal. Cette culture de l’ortie est le point de départ du projet Newfibre, porté par la compagnie européenne d’intelligence stratégique basée à Metz, en partenariat avec l’université de Lorraine et de plusieurs industriels textile vosgiens. L’initiative, soutenue par le conseil régional et l’Europe, vise à relancer la production des fibres végétales tombées dans l’oubli. L’ortie en fait partie.

Depuis l’antiquité, et pendant longtemps, cette plante a couramment été utilisée dans la fabrication des tissus. Ainsi, les corps embaumés des momies égyptiennes étaient enroulés de bandelettes en fibres d’ortie. Tout comme les uniformes des grognards de Napoléon ou, plus tard, ceux des soldats du Kaiser Guillaume II. « Cette tradition de textile à base d’ortie est restée vivace, notamment dans les pays du nord de l’Europe jusqu’au début du XXe siècle. C’est la production massive de coton à bas prix qui a éliminé son usage », explique Michel Fick, le directeur de l’ENSAIA……. »

 

Par Jean-Marc Toussaint, S’habiller avec des orties,

Article complet : http://www.estrepublicain.fr/le-mag/2016/07/17/des-habits-d-ortie

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Dentelles d’orties par Madeleine Hamon  ( fil d’ortie provenant des Ets Bastien à Beauvois en Cambrésis) cité dans le blog Urticamania 

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Photo ©Blog Urticamania

« Les Kamtschatkales n’auraient pu vivre sans l’ortie dont ils faisaient leurs filets de pêche, leurs cordages, le fil dont ils cousaient leurs vêtements. » Pierre Lieutaghi. Le livre des bonnes herbes. cité par Clotho Gancho dans son blog « Clotho Gancho »

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Ortie crochetée  Photo ©Clotho Gancho

 

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu’elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu’elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu’elles sont prises dans leur œuvre ;
O sort ! fatals nœuds !

…..

Victor Hugo, Les Contemplations,  Livre III, « Les luttes et les rêves », XXVII (1856).

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Ortie et chanvre tissés

A deux pas des remparts de M sur M , à La Madelaine sous Montreuil, se faufilent les chemins des marais bordés ici et là de belles orties..

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Et se trouve une auberge où parfois l’on peut déguster des coussins d’orties…

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Coussin d’orties, Alexandre Gauthier, La Grenouillère, photo ©Blog »Chez Food »

 

Isabelle Baudelet pour Text’Styles, le 20 juillet 2017

 

Merci à Olivier Segard pour la relecture partagée des Misérables à M sur M

Sur le tissage des fibres naturelles issues des plantes ou des arbres :

Merci à Clotho Gancho son travail et son blog  ( http://clothogancho.canalblog.com/ )et la citation de la conférence de Michel Pastoureau évoquant « le tilleul et son écorce qui donne une fibre avec laquelle on tissait sacs et cordages mais également des tuniques dans le monde paysan. »

https://www.franceculture.fr/conferences/palais-de-la-decouverte-et-cite-des-sciences-et-de-lindustrie/michel-pastoureau

 

Merci à Princess Wanda (et sa page de créatrice de talent : Princesse Wanda  ) pour le beau reportage sur les tisseurs de lotus 

http://www.arte.tv/fr/videos/065815-000-A/les-tisseuses-de-lotus-du-lac-inle

 

Coussin d’Orties in « Alexandre Gauthier, cuisinier », éditions La Martinière, 2014, photographies Marie-Pierre Morel

http://www.omnivore.com/lire/la-grenouillere-version-papier/