CARTOGRA-FIL
Les navettes sont des voyages, des allers et retours, corps en mouvement, fil des histoires et des conversations. Tramer, tisser, reprendre. Il s’agit, en nouant des liens, entre tissu et écriture, d’entreprendre une cartographie « text’styles », une CARTOGRA-FIL.
Boîte à boutons de Mercerie Ambulante : un meuble d’imprimeur (avec l’aimable autorisation de Marie France Dubromel )
3 et 4 septembre 2016 : depuis le NORD direction l’ORNE. NORD-ORNE, sous le regard bienveillant des Nornes, les trois fileuses de la destinée.
A/R Roubaix-Argentan, Ruban Argenté
« On aperçoit, comme un vaste rêve, les longs filets d’eau entrelaçant leurs rubans d’argent »
Allan Edgar Poe, Le domaine d’Arnheim
Le ruban de l’Orne (Photo © Geo)
Ruban de dentelle Abbaye d’Argentan.
ROUBAIX
ARGENTAN
CHAPITRE 1 : LE RENDEZ-VOUS
« Il n’y a pas de hasard il n’y a que des rendez-vous« , dit le poète.En ce mois de juillet 2016, j’ai donc eu un rendez-vous.En effectuant des recherches sur le texte et le tissu, j’ai rencontré Eugénie, Louise, et une écriture au fil rouge, celle de Marie France Dubromel, Mercière ambulante.
Une écriture particulière, un peu grecque, à la fois familière et oubliée. C’est le point de marquage de blanchisserie. « Il était très important de marquer le linge pour retrouver chaque pièce afin de la rendre à son propriétaire.Les techniques de marquage du linge ont évolué au fil du temps. Pendant un certain temps le linge était marqué avec du fil rouge dès qu’il arrivait à la blanchisserie. Puis il l’a été avec de l’encre de chine. » (Au fil du temps, M Breillor).
Fragment d’écriture grecque 650 av JC
J’apprends que Marie France Dubromel présente du 30 Août au 18 septembre 2016, dans un lieu textile, la maison de la dentelle d’Argentan, une oeuvre, un livre rare réalisé avec l’artiste plasticien-graveur Marc-Antoine Orellana. Marie Hélène Giannesini en a écrit l’introduction.Christian Laucou a réalisé la typographie.
Ce livre s’appelle « RECORTES ». Il me fallait aller à la RENCONTRE de RECORTES
CHAPITRE 2 : UN MOT..
Le mot Recortes veut dire découpes, ou chutes en espagnol, ces « chutes que l’on ne jette pas » dit Marc Antoine Orellana. Graveur, il fait le parallèle entre ses découpes de zinc et les morceaux de tissu gardés par sa mère, Sotera ORELLANA, couturière à Argentan, décédée en 2011. Pour lui rendre hommage il propose à Marie France Dubromel, dont la robe de mariée fut confectionnée par Sotera Orellana, de l’accompagner de son fil rouge.
Je regarde l’affiche annonçant l’exposition. Je vois les découpes de Marc Antoine Orellana, les patrons textiles en écho, je devine le fil rouge.
J’imagine le travail immense de préparation, toutes ces chutes comme les pièces d’un puzzle, étalées, superposées, uniques, comme lorsque l’on cherche, pour reconstituer le motif, la pièce manquante.
© Marie France Dubromel
» Considérée isolément une pièce d’un puzzle ne veut rien dire ; elle est seulement question impossible, défi opaque ; mais à peine a-t-on réussi, au terme de plusieurs minutes d’essais et d’erreurs, ou en une demi-seconde prodigieusement inspirée, à la connecter à l’une de ses voisines, que la pièce disparaît, cesse d’exister en tant que pièce. »
» Le rôle du faiseur de puzzle est difficile à définir (…). Ce n’est pas le sujet du tableau ni la technique du peintre qui fait la difficulté du puzzle, mais la subtilité de la découpe, et une découpe aléatoire produira nécessairement une difficulté aléatoire, oscillant entre une facilité extrême pour les bords, les détails, les taches de lumière, les objets bien cernés, les traits, les transitions, et une difficulté fastidieuse pour le reste le ciel sans nuages, le sable, la prairie, les labours, les zones d’ombre, etc.
On en déduira quelque chose qui est sans doute l’ultime vérité du puzzle : en dépit des apparences, ce n’est pas un jeu solitaire : chaque geste que fait le poseur de puzzle, le faiseur de puzzles l’a fait avant lui ; chaque pièce qu’il prend et reprend, qu’il examine, qu’il caresse, chaque combinaison qu’il essaye et essaye encore, chaque tâtonnement, chaque intuition, chaque espoir, chaque découragement, ont été décidés, calculés, étudiés par l’autre. «
Georges Perec, Préambule de La Vie mode d’emploi
CHAPITRE 3 : LE POINT DE DEPART
Le voyage, le mouvement, commence par une station. Une station de métro « text’styles » Epeule/Montesquieu Roubaix.« L’épeule » est, dans le nord, le nom de la canette que le tisserand devait préparer pour recevoir le fil à tisser. ( Merci à Moncef Bentaziri de me l’avoir rappelé ) Puis direction OUIGO : le train qui trame. Tourcoing-Rennes. GO GO ! C’est l’art du GO.
« Il y a quelque chose de commun entre l’art du puzzle et l’art du go ; seules les pièces rassemblées prendront un caractère lisible, prendront un sens » Georges Perec, Préambule de La Vie mode d’emploi
Le GO, dont le nom invite si bien à partir, est un jeu originaire de Chine : il faut, pour jouer, former des « chaînes », faire des points….
Livre sur le jeu de go datant de 1851
Schéma de chaîne et Trame
GO GO
CHAPITRE 4 : DEVOILEMENT
Marie France Dubromel à La maison de la Dentelle d’Argentan, 3 septembre 2016
Je découvre les mots précis, ceux des techniques, un langage parfois proche du songe: POLIPHILE DE CORPS 16……EAU-FORTE….TAILLE DOUCE…TARLATANE…FIL…AIGUILLE
La boîte à boutons de Sotera Orellana
Travail préparatoire de Marie France Dubromel
Et les textes de Marie-Hélène Giannesini
« C’est l’envers qui vous dit la vérité » Louise Bourgeois
CHAPITRE 5 : RETOUR
« Revenons sera mon premier mot. Aussi longtemps que je vive, et plus encore peut-être. Revenons à notre point de départ. Dès que j’entends ce mot, cette phrase, revenons, un enthousiasme de mélancolie me soulève… »
Hélène Cixous, Philippines, Prédelles.
Oeuvre de Marie France Dubromel sur vêtement de marin / texte de Gérard Macé
Coulisses de mercerie (avec l’aimable autorisation de Marie France Dubromel).
A suivre….
Isabelle Baudelet pour Text’Styles, le 9 octobre 2016
Merci à Marie France Dubromel pour cette magnifique rencontre à Argentan.
Cela me fascine vois tu ce beau travail de fée fileuse….
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Merci Chère fée des arbres
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Isabelle, à chaque fois une merveilleuse découverte. Et je ne souhaite qu’une chose, pouvoir un jour retenir tout cela précieusement dans un volume papier. Besoin de lisser de la main les photos, de pencher le nez sur les textes. Le numérique… Merci à toi de ce travail de tissage inlassable. Et merci à Marie-France Dubromel dont je suis heureuse de mieux découvrir le travail !
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